17/01/2010

La BD numérique




2010 verra l’émergence en France et en Europe du marché du livre numérique, et par extension, espère t-on, de la BD numérique. Pour le premier, les annonces en fanfare d’Amazon qui aurait vendu plus de livres dématérialisés à Noël que de livres imprimés sont à prendre avec des pincettes: quelle est la part de la réalité derrière ces inévitables effets d’annonce pour pousser leurs offres numériques? Cela ne concerne en outre que le marché américain, qui est sans conteste en avance et jouit de fait d’une plus importante maturité. La France suivra t-elle les pas des américains? Rien n’est moins sûr, notamment pour les problèmes de catalogue d’ouvrages en français, leur numérisation et la résolution des questions contractuelles. Wait and see.
Première résolution, c’est à la question de la qualité et du rendu de l’image dessinée. Toutes les créations de BD numériques sont bien entendu contingentées aux écrans sur lesquelles elles se destinent, professionnels, domestiques et nomades. C’est tout l’intérêt des distributeurs, fournisseurs de contenus et des fabricants des technologies dédiées de baliser et de contrôler au plus juste les flux des consommateurs. C’est, en contrepartie, leur responsabilité de s’assurer de la qualité des fichiers numériques et des services pertinents pour les lire (player, service après vente, système de fidélisation avec avantages…). Tout le monde a en tête les tourments de l’industrie du disque et, dans une moindre mesure, du cinéma, et souhaite à juste titre contrer les potentiels vols et piratages de données.
Dans le meilleur des cas et quelles que soient les structures de production - agence, maison d’édition, studio d’animation ou de jeux vidéo - les auteurs et leurs petits camarades techniciens en charge des montages techniques seront confrontés à terme à des impératifs de production bien différents que ceux de la BD papier. Même si aujourd’hui on entend surtout parler d’expérimentations, au final les producteurs de contenu vont vite se rappeller que lisibilité, narration et productivité sont intimement liés quand leurs donneurs d’ordre et généreux partenaires exigeront des délais de rendu de plus en plus raccourcis, comme cela existe déjà dans le jeu vidéo ou les séries d’animation.


Pour les créateurs européens, c’est là qu’il faut parler de résolution synonyme de détermination. La BD numérique est une chance unique de démarrer une course à peu près au même stade et au même niveau que les amis américains, japonais et ceux qui ne manqueront pas de tenter aussi l’aventure et qui n’apparaissent pas encore sur le radar. Depuis 60 ans, la BD franco-belge se singularise par son format et une certaine tradition. Conséquence: elle a un mal fou à s’exporter. Attention à ce que les auteurs de BD numérique ne s’enferrent pas de la même manière et que les mêmes mauvais réflexes ne donnent pas les mêmes résultats.
Pour le marché de la BD numérique, les enjeux ne sont pas seulement commerciaux, mais comme toute industrie culturelle, il faut penser sens, savoir-faire, terreau culturel, d’expression artistique et de diffusion de valeurs. Existera t-il une french touch dans la BD numérique?



Sébastien NAECO
In lecomptoirdelabd.blog.lemonde.fr
05janvier2010





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